Les poètes arméniens en chansons
Il y a quelques années, l’Association Culturelle
Tekeyan a célébré, à New York,
le 75ème anniversaire du romancier et poète
Khachik Dashtents. J’ai participé à cette
soirée en interprétant deux chansons que j’avais
écrites sur ses poèmes. L’un d’eux,
L’Arménien, que j’avais mis en musique
dans le style d’un hymne, figure dans tous les manuels
scolaires parus dans la diaspora. La chanson a été
saluée par le public avec beaucoup d’enthousiasme,
et ce pour deux raisons évidentes : d’une part,
elle adressait un message d’actualité à
la jeunesse, à savoir parler arménien dans les
pays où la langue est menacée de disparaître,
d’autre part, je l’ai chantée accompagné
par un petit chœur de jeunes filles. Un an après,
le poète contemporain Zahrad, originaire d’Istanbul,
était l’hôte de l’Association Tekeyan.
J’ai pris part à cette soirée littéraire
en chantant L’Arbre de Noëlun de ses poèmes
que j’avais mis en musique pour l’occasion. A
la fin de la soirée, plusieurs personnes sont venues
me chercher pour me suggérer l’idée de
chanter d’autres écrivains arméniens afin
de mettre en musique le florilège d’une poésie
qui constitue l’âme de nos manuels de langue et
de littérature. Ainsi, avec le pouvoir de la musique,
les joyaux de la poésie pourraient-ils susciter plus
facilement l’intérêt de la jeunesse de
la diaspora. Plusieurs années ont passé et je
n’ai rien entrepris. Cependant, je n’ai pas oublié
ce projet, et j’y pensais chaque fois que je rencontrais
Zarminé Boghossian, la directrice d’une école
arménienne à New York. Elle me demandait d’apprendre
L’Arménien à ses élèves.
Je n’ai accédé à sa prière
qu’il y a deux ans, quand j’ai commencé
à sortir mes chansons de mes tiroirs pour les interpréter.
L’avant-goût de mettre en musique nos meilleurs
poètes poussait déjà son aiguillon. Je
n’ai pas voulu, dans le choix des poèmes, me
limiter uniquement à la jeunesse. Ces chansons s’adressent
à ceux, quel que soit leur âge, qui aiment la
poésie pour elle-même, et qui cherchent dans
la chanson quelque chose de plus qu’un pur et simple
divertissement. Il est notoire que la chanson a permis à
la poésie de toucher des cœurs et des oreilles
qui jusqu’alors lui étaient fermés. Le
dessein de cet album est de donner aux joyaux de la poésie
arménienne une nouvelle vie, un autre registre afin
qu’elles puissent franchir encore de très nombreux
seuils, dans un monde où la prosodie semble tomber
en désuétude. Aragon n’avait-il pas coutume
de dire que « la mise en chanson d’un poème
est une forme supérieure de critique littéraire
» ?
Dans cet album, vous trouverez aussi les traductions littérales
des poèmes, en français et en anglais. Bien
qu’elles ne puissent pas, hélas, en transcrire
la substance, j’espère qu’elles seront
utiles à tous ceux qui ne connaissent pas l’arménien.
Je prie le connaisseur de la poésie arménienne
de m’excuser pour les quelques remaniements que j’ai
faits dans les poèmes, en répétant des
quatrains ou des bouts de phrases, ou, plus rarement, en changeant
l’ordre des mots, procédé fort courant
dans la composition. J’aimerais surtout pouvoir compter
sur la plus entière indulgence de Zareh Khrakhuni,
dont les lignes du Prestidigitateur ont été
coupées et « rattrapées » comme
un jongleur. J’ai aussi inclus dans cet album une chanson
avec mes propres paroles. Mon intention est de me présenter,
comme il se doit, en cette qualité d’auteur-compositeur-interprète
qui est la mienne. Toute ma reconnaissance va à tous
ceux qui m’ont apporté aide et soutien pour la
réalisation de cet album.
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